Infirme depuis sa tendre enfance, Roumanatou Hama est aujourd’hui la patronne du foyer féminin le plus en vogue à Agadez, ville du nord Niger. Depuis quelques années, elle apprend à ses consœurs, des jeunes filles, souvent issues des couches défavorisées, le métier de la couture, du tricotage, et de la broderie. Portrait d’une jeune femme battante.
Dans une grande salle soigneusement entretenue sont alignées des machines à coudre. Sur les murs, plusieurs motifs y sont accrochés, en signe de décor c’est vrai mais aussi et surtout comme un trophée arraché au mystère insondable du beau ; de l’art, de l’irréel. Une façon de dire à tout visiteur ceci : « Voyez ce que nous faisons ici ! Rien qu’avec de la laine, de la patience mais surtout de la passion ».
Dans un angle de la salle, sur un fauteuil roulant, une belle femme qui regarde avec grande attention toutes ces petites mains d’apprenantes qui ne font que tricoter, couper, ou coudre des pans de tissu. Visage fin auréolé par des yeux qui forcent le respect. Elle est la patronne des lieux. Un calme impeccable règne dans la pièce. Tout au long de celle-ci, plusieurs petites filles s’exercent à la couture, au tricotage et à la broderie. Elles proviennent d’horizons divers et ont toutes un seul rêve : devenir comme Roumanatou HAMA.
Roumanatou ! C’est cette jeune dame ayant perdu l’usage de ses jambes dès les premières années de sa vie. Un handicap qui a failli : « changé le cours de mon existence ! », nous explique-t-elle en aparté. Et de poursuivre : « J’ai abandonné très tôt l’école non pas parce que c’était difficile, mais insupportable pour l’infirme que je suis. C’était insupportable de voir tous ceux-là de mon âge, filles et garçons qui jouissaient de leur mobilité sans un égard pour ma personne ! Je n’étais rien pour eux. Je n’étais qu’une infirme. Cet état de fait a sincèrement brisé mon élan de poursuivre mes études ! »
Lasse et persécutée par ses collègues, Roumanatou va abandonner l’école, juste une année après son entrée au Collège. « C’est précisément en 1995 que j’ai débuté des cours au Centre des handicapés d’Agadez où j’ai passé trois ans, sans aucun souci. J’étais au milieu de mes pairs et tout se passait bien. Ce sont mes parents au début qui m ont soutenu. Mais ils n’avaient pas les moyens. Au moment où j’allais abandonner , la chance me sourit car CARITAS, un organisme d’aide va accepter de financer la suite de ma formation. Après j’ai reçu une autre formation, cette fois-ci grâce à une petite bourse de la NIGETHEC. Muni de mon diplôme, j’ai eu un poste à la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale (CNSS) où j’ai passé dix-sept ans au Foyer dudit centre dédié à la formation des femmes en couture et tricotage ».
Avant le lancement de son atelier, Rouma a effectué plusieurs petits boulots se moquant éperdument de son handicap. « J’ai décidé un jour que l’infirmité ne sera plus un frein pour moi mais bien au contraire un stimulant pour surmonter tous les obstacles dressés sur la route de ma vie ». Et de continuer en ces termes : « Dieu merci ! Je gagne aujourd’hui bien ma vie dans ce travail. J’ai presque une centaine d’apprenantes et mon foyer ne désemplit pas d’année e année. C’est grâce à ce centre que j’arrive à subvenir à mes besoins et aider ma famille».
En 2013, Roumanatou ouvre son propre atelier, sis au quartier Sabon Gari d’Agadez. C’est la consécration ! Son foyer connait une affluence inégalable. Plusieurs familles viennent inscrire leurs filles chez Roumanatou. Son petit atelier est vite débordé ! « Dès la première année, j’ai compris qu’il me fallait une plus grande salle afin de contenir le flot des apprenantes », dit-elle avec modestie.
Pourquoi une telle affluence chez Rouma, comme l’appellent affectueusement ses élèves ? « Chez cette dame, le maître-mot est apprendre, toujours apprendre ! Elle est tendre et humaine avec nous mais aussi très dure sur le plan travail », nous confie Aghaisha, une ancienne apprenante devenue l’assistante de la patronne. « Sa force réside dans son serment de toujours bien faire la mission qu’on lui confie », nous dit Abdoulahi, son mari. « Elle est aussi une vraie mère de famille. Je suis comblé », affirme l’homme, souriant sûrement d’avoir eu la chance de rencontrer cette perle.
La main toujours sur le cœur ! Le seul leitmotiv de Rouma : « est d’aider mes sœurs qui sont là et veulent apprendre avec moi. Pour moi une fille bien formée est un atout pour la société toute entière. Je voudrais que toutes mes sœurs où qu’elles soient apprennent un métier dans leur vie car c’est le point de départ du respect qu’elles veulent mériter de la part de leur conjoint, de leur famille, et de leurs connaissances ».
Bon Vent Rouma !
Ibrahim Manzo DIALLO
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