Le Niger, un pays en danger !

Après les tragédies de Toumour dans la région de Diffa, Zaroumdarey, Tchiomabangou et Banibandgou dans la région de Tillabery, le Niger vient d’enregistrer une nouvelle à Tillia dans la région de Tahoua. Entre décembre 2020 et mars 2021, pendant que se déroule dans le pays un processus électoral des plus singuliers, au moins 262 personnes, toutes civiles, ont été froidement tuées par des éléments armés non identifiés; suscitant toujours les mêmes réactions indignées au sein de l’opinion, et des communiqués gouvernementaux presque toujours identiques.

Ainsi, au grand malheur des populations civiles, les tragédies se succèdent dans le pays; et ce, malgré les mesures drastiques d’état d’urgence en vigueur dans trois (3) des huit (8) régions. Le point commun des tragédies de ces derniers mois, c’est qu’elles n’ont touché que des personnes civiles qui, normalement, doivent être épargnées en période de conflit armé. Ces tragédies indiquent clairement, de part la nature même de leurs cibles, que nous sommes face à un changement majeur dans la stratégie des groupes armés.

En effet, après une série d’attaques ciblant principalement les forces de défense et de sécurité, les groupes armés semblent avoir décidé de tourner à présent leurs armes contre des personnes civiles; et ce, pour des raisons que le commun des citoyens n’arrive toujours pas à saisir clairement, et qu’aucun spécialiste des questions de conflit n’a tenté d’exposer et expliquer. La tâche est, il faut le reconnaitre, difficile; car, aucune des dernières tragédies n’a été revendiquée.

Aujourd’hui, bien qu’aucune revendication n’est venue nous éclairer sur les mobiles de ces crimes odieux, plusieurs explications circulent au sein de l’opinion; et l’une d’elles mérite de retenir l’attention de tous, parce qu’elle a été avancée par le gouvernement, et parce qu’elle a été également évoquée par des organisations de la société civile. Le dernier communiqué du gouvernement, qui est intervenu à la suite de l’acte criminel de Banibangou, souligne clairement qu’il s’agit d’assassinats ciblés. Cette version a été également soutenue par la société civile de Tillabery, à travers une déclaration évoquant des velléités d' »épuration ethnique ».

Outre ces réactions, nous avons eu droit à des nombreux audio soutenant la thèse de « ciblage ethnique » des victimes, en particulier pour celles de la région de Tillabery; et c’est sans surprise que nous avons vu circuler ce matin encore des posts indiquant l’origine communautaire des personnes tuées à Tillia. Certes, personne n’a tenté d’indiquer l’identité communautaire des meurtriers; mais, il faut craindre que, à force de privilégier l’hypothèse d’un « ciblage ethnique », on finisse par donner une coloration communautaire à un conflit d’une autre nature.

Quoiqu’il en soit, eu égard à ce qui se passe dans d’autres pays de la région, notamment au Mali et au Burkina Faso, il importe de mesurer les risques liés à la propagation de rumeurs, et parfois même de quelques bribes d’informations avérées, prêtant aux groupes armés des velléités d' »épuration ethnique ». Ce sont ces rumeurs et bribes d’informations, parfois diffusées à dessein, qui ont donné une tournure communautaire au conflit armé au Mali; et ce sont elles qui risquent de jeter de l’huile sur le feu déjà ardent qui fait des ravages dans les régions de Tillabery, Tahoua et Diffa.

Dans le contexte actuel, marqué déjà par une maturation des rancoeurs et frustrations nées de la gestion désastreuse du pays au cours des dix (10) dernières années, il importe de rester vigilants et conscients de l’ampleur du danger qui guette tout le Sahel; et par conséquent de ne pas céder à la tentation de « communautariser » un conflit dont nous savons tous que l’un des enjeux principaux tourne justement autour de la sauvegarde même de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des pays de cet espace.

En tout cas, il est certain que la « communautarisation » du conflit en cours au Sahel, si elle advient à cause de notre hypersensibilité aux théories les plus fumeuses, ouvrirait la voie à la dislocation de nos Etats au grand bonheur de ceux qui en sont obsédés depuis fort longtemps. C’est, à mon humble avis, ce qu’il convient de garder toujours à l’esprit.

Moussa Tchangari

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