La France au Sahel, l’inéluctable départ

Au Sahel, la France, que cela plaise ou non à son président, est obligée de partir plus tôt que prévu par ses grands stratèges; et tout indique que c’est par le Mali, la porte par laquelle elle s’y est ré-introduite, qu’elle va aussi sortir, sans la moindre gloire. Le président Macron le sent désormais très bien ; même s’il pense encore qu’en replaçant l’essentiel des forces françaises au Niger, il est possible de s’éterniser au Sahel.

Au regard de l’extrême fébrilité, qui s’est emparée de l’exécutif français au cours de ces jours, il est clair que la trajectoire de la chute se dessine déjà au Sahel. L’érosion de l’hégémonie française est à présent évidente au Mali, pays où les dirigeants préfèrent miser sur une société privée russe de sécurité, Wagner, plutôt que sur l’armée française, pour faire face aux menaces que représentent divers groupes armés qui contrôlent une partie du territoire.

A Paris, la perspective de la signature d’un accord entre le gouvernement malien et la société russe Wagner suscite, comme il fallait s’y attendre, une colère noire exprimée par le président Macron en personne. Emboitant les pas à ses ministres, Florence Parly et Jean Yves Le Drian, le président français a tenu des propos révélateurs, à plus d’un titre, de son incapacité à se départir de la condescendance et de la cécité qui ont toujours marqué la relation à l’Afrique.

Après près d’une décennie de présence militaire au Mali, la France a échoué dans la mission que beaucoup de citoyen(ne)s de ce pays croyaient être la sienne; elle n’a pu sauvegarder ni l’intégrité territoriale du pays, aujourd’hui coupé de fait en deux, ni la sécurité des populations, livrées en beaucoup d’endroits à la loi des groupes armés. Ce piètre résultat, même s’il n’est pas seulement imputable à Paris, n’oblige-t-il pas à tirer au moins quelques conséquences ?

A Bamako, la junte militaire du colonel Goita a décidé elle, de faire ce que Paris n’ose pas envisager face à son piètre bilan au Sahel, c’est-à-dire changer de politique ou à tout le moins d’approche; même s’il est vrai que remplacer une armée étrangère, qui n’a pas de résultats élogieux et dont la présence a plutôt conforté certains groupes armés, par une société privée de sécurité tout aussi étrangère, ne garantit pas forcément des meilleurs résultats.

La France officielle, comme à ses habitudes, n’a pas compris que c’est aux Malien(ne)s qu’il appartient d’apprécier ce choix de leur gouvernement; elle s’est mise dans une colère noire, comme elle l’a fait récemment en Centrafrique, confortant le sentiment légitime qu’elle veut continuer à prendre en otage le destin des peuples et des pays du Sahel. Le caractère condescendant et méprisant des propos de Macron n’a échappé à personne; et surtout au Mali où le Chef de ce qui, à ses yeux, « n’est même pas un gouvernement », a été bruyamment applaudi.

Au Sahel comme en France, les esprits avisés ne manqueront pas, en tout cas, de relever que l’acharnement de Macron à contrer, coûte que coûte, la signature par le gouvernement malien d’un contrat avec Wagner, est bien ce qu’il faut pour légitimer, aux yeux de l’opinion sahélienne, une décision qui, venant d’une junte militaire, aurait autrement valu à ses auteurs quelques quolibets de leurs propres compatriotes. La France n’a pas d’autre choix, en tout cas au Mali, que de partir immédiatement et laisser les Malien(ne)s assumer leur souveraineté; mais, il faut s’attendre à ce que ses dirigeants optent plutôt pour une confrontation, par procuration, avec Wagner, à travers un soutien à certains groupes armés sur lesquels ils ont toujours pu compter.

Moussa Tchangari

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