“ les salines de Kalala constituent le poumon économique de la commune et on peut dire sans risque de se tromper que quand le sel va, tout va ! ”, assure Kochi MAINA, maire élu de Bilma

Aïr Info : Bonjour M. le Maire, Présentez nous la commune Urbaine de Bilma

Kochi Maïna : Bonjour; Située à l’extrême Nord-est du Niger, dans le département de Bilma,la Commune Urbaine de Bilma est l’une des quatre (4) collectivités territoriales du département de Bilma. Elle est limitée au Nord par la commune rurale de Dirkou, au Sud par les départements de Tesker et de N’Gourti, à l’Est par la République du Tchad et à l’Ouest par la commune rurale de Fachi. La commune couvre une superficie de 55.730Km2 pour une population estimée à 6500 hbts au recensement administratif de 2021. La Commune Urbaine de Bilma compte 3 villages administratifs dont Bilma, le chef lieu de la commune, Agueur et Zow Baba et trois tribus Toubous qui nomadisent entre Zow, Dibella et Agadem. Le chef-lieu de la commune est distant de750 km d’Agadez le chef-lieu de la région et 1750 km de Niamey la capitale.

Quelles sont les opportunités dont regorge la commune de Bilma ?

La commune urbaine de Bilma regorge d’énormes opportunités qui sont entres autres de nombreux bassins saumâtres d’où est extrait le sel, l’or blanc de Bilma, dont le travail occupe la majeure partie de la population active du chef lieu de la commune ; d’importantes ressources en eaux souterraines propices au maraichage, de nombreuses sources et une mare artificielle qui irriguent des jardins tout autour, des milliers de pieds de palmiers dattiers de diverses qualités, un riche patrimoine culturel et touristique.

Quels sont les défis auxquels vous faites face ?

Le principal défi auquel la commune fait face est la mise en place d’une administration municipale fonctionnelle. Car figurez vous qu’a notre installation en Mai 2021, la commune ne dispose comme personnel municipal que de la responsable du service de l’état civil et de trois policiers municipaux. Il n’y a ni receveur, ni Secrétaire Général, encore moins des archives. Dans ce contexte difficile, on ne peut que parler d’incivisme fiscal entretenu à dessein, de mauvaise gestion locale, de navigation à vue, bref de mauvaise gestion locale. C’est tout cela qu’il faut redresser dans une commune qui ne dispose ni de marché hebdomadaire, ni d’autres sources de revenus adéquats. D’ailleurs, je peux le dire sans sourciller que notre commune est, pour ainsi dire, portée à bouts de bras par ses partenaires techniques et financiers, que sont l’OIM, le PP2E, l’ONG Garkua, la HACP,le RECOSOC, l’Unicef, le PAM,HED Tamat, Care international et bien sûr l’Etat du Niger sans l’appui desquels rien de grand à part notre bonne volonté ne pourra être réalisé.

La filière Sel est une véritable source de développement de Bilma, parlez-nous en !

Comme je l’annonçais plus haut l’extraction du sel occupe la majorité de la population active de Bilma, a-t-elle enseigne que les salines de Kalala constituent le poumon économique de la commune et on peut dire sans risque de se tromper que quand le sel va, tout va. Le sel, de deux sortes, l’un blanc pour la consommation humaine et l’autre noirâtre pour le bétail a fait la renommée historique de Bilma tout comme Tasselit au Mali ou Chinguetti en Mauritanie et continue d’être une source de revenus appréciable pour la commune et ses habitants. C’est environ vingt mille tonnes de sel qui sont exploitées par an. Il existe trois principaux circuits de commercialisation de ce produit. Le premier est celui de l’Azalai, la caravane en provenance de l’Aïr, qui vient chaque année à Bilma, à partir du mois de Septembre pour échanger le sel et les dattes contre des céréales et divers autres produits, le second circuit est celui des caravaniers du sud qui s’approvisionnent surtout en sel blanc et enfin le dernier circuit est celui moderne qui concerne le transport du sel au moyen de camions gros porteurs en direction d’Agadez.

Quels sont les freins qui bloquent l’élan de cette filière ? Comment faire pour les surmonter ?

Pour répondre à la première partie de la question, je dirais que le principal frein qui bloque l’élan de cette filière est la mévente du produit et les difficultés structurelles de sa commercialisation, en raison de l’énormité des distances qui séparent les centres de production du sel et les principales zones de consommation et la difficile traversée des dunes du Ténéré entre l’Aïr et le Kawar, soumettant à rude épreuve les moyens de transport qu’il s’agisse aussi bien du chameau que des camions. C’est d’ailleurs ce qui explique en partie la faiblesse des prix d’achat du sel, où la galette de sel à lécher (Fochi) se négocie entre 30 et 50 francs CFA à Bilma pour un prix de revient avoisinant les 250 francs CFA sur les marchés d’Agadez. C’est dire que les producteurs surtout les plus vulnérables sont à la merci de puissants intermédiaires souvent usuriers. Toutes les tentatives de structuration des exploitants de la filière sel ont connu des échecs retentissants principalement en raison de la toute puissance des lobbys d’intermédiaires.

Comment faire pour les surmonter ?

Aussi, la commune est entrain de taper toutes les portes susceptibles de s’ouvrir pour inverser la tendance et sécuriser les producteurs. L’un de nos plaidoyers, c’est d’amener les pouvoirs publics à s’intéresser à cette filière d’une part en achetant ne serait ce qu’une partie de la production de sel pour les revendre aux éleveurs qui ont tant besoin, surtout que dans certains kits de distribution gratuite du dispositif national figure le sel et d’autres part amener les sociétés d’exploitation d’uranium à enlever un certain pourcentage de sel de Bilma en lieu et place de l’importation qui a cours présentement. Bien sûr, pour atteindre ce noble objectif, un accent particulier sera mis sur la qualité du produit fini.
Au delà de ce plaidoyer, un effort d’organisation des producteurs en coopérative, est entrain d’être fourni avec l’aide des partenaires, en particulier l’ONG Garkua malgré les obstacles et les freins de toutes sortes.
La commune se propose aussi dans le cadre du projet d’appui au développement économique du Kawar (PADEK) financé par l’Agence Française de Développement (AFD) et mis en œuvre par l’OIM et la HACP, d’initier un système de warrantage pour supporter les producteurs les plus vulnérables.
Enfin dans le cadre de la coopération décentralisée, la commune est en pourparlers avec certaines communes de l’Aïr notamment celles de Timia, Ingall, Iferouane et Aderbissinat intéressées par le sel de Bilma pour trouver un mécanisme gagnant-gagnant de fourniture de sel.

Le commerce transfrontalier entre Bilma et la Libye n’est plus ce qu’il était avec l’instabilité dans ce pays frère. Comment faites vous pour y faire face ?

Aussi surprenant que cela puisse paraitre, les communes du Kawar continuent à s’approvisionner pour l’essentiel des biens de consommation courante (carburant, pâtes alimentaires, conserves, semoules, appareils électroménagers, véhicules…) à partir de ce pays frère malgré la situation regrettable d’instabilité et d’absence d’Etat qu’il connait. Un bref coup d’œil au marché de Dirkou vous édifiera davantage. Et d’autres parts, nos frères des régions de Diffa et Zinder continuent à exporter vers ce pays, chaque année des milliers de dromadaires comme si il n’en est rien.

Que fait la commune pour aider les jeunes et les femmes ?

Comme partout ailleurs, la structure de la population de la commune est caractérisée par un nombre important de jeune et la suprématie numérique des femmes. Aussi, toutes les actions de développement entreprises par la commune et ses partenaires sont orientées prioritairement vers ces couches qui sont vulnérables par essence. Ainsi, pour les AGR, les formations professionnelles, l’élevage de petits ruminants, le maraichage et les travaux à haute intensité de main d’œuvre (THIMO) mis en œuvre par les partenaires de la commune, priorité a toujours été donnée aux jeunes et aux femmes en toutes transparence et équité.

Bilma est un site touristique par excellence, que faites vous pour la promotion de ce secteur malgré le facteur de l’insécurité ?

Dans un passé récent, Bilma avec ses énormes potentialités touristiques était une destination appréciée et visitée par de nombreux touristes en provenance de tous les coins du globe. Malheureusement, avec l’insécurité née des rebellions des années 1990 et le phénomène terroriste, cette activité a un coup d’arrêt net. Aujourd’hui très rares sont ceux qui s’y aventurent. Aussi la commune est à pied d’œuvre pour promouvoir ce secteur en inventoriant le potentiel touristique, en encourageant le tourisme local, en valorisant la culture et le patrimoine culturel en mettant l’accent sur le ‘’Djoli Koura’’ la fête annuelle de emblématique de Bilma, en initiant un festival du Kawar, en collaboration avec les communes sœurs à l’image du festival de l’Aïr.

Avez-vous un dernier mot à ajouter ?

J’aimerais lancer à travers vos colonnes, un cri de cœur relatif à la fracture numérique dont est victime le département de Bilma dans son ensemble, en dépit de son éloignement et son enclavement car figurez vous qu’aucun opérateur de téléphonie n’offre la connexion 3G et comme vous avez eu à le constater on a recours au service privé des Wifi pour envoyer le moindre document. Permettez-moi en guise de dernier mot, de remercier et féliciter notre journal régional, Aïr Info, qui nous offre l’opportunité de faire connaitre notre commune au reste du monde en nous ouvrant ses colonnes.

Interview réalisée par DIM dans le cadre du projet « Autonomiser les jeunes en Afrique à travers les médias et la communication » mis en oeuvre par l’UNESCO dans 8 pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, avec le soutien financier de l’Agence italienne pour la coopération au développement (AICS) à travers le « Fondo Africa » du Ministère italien des Affaires Etrangères et de la Coopération internationale (MAECI) ».

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