Après près de 10 mois de mobilisation citoyenne, les organisations de la société civile nigérienne constatent que les autorités en place, fort du soutien de certaines institutions financières internationales, continuent de faire la sourde oreille face à l’extraordinaire mouvement social de contestation de leur politique d’austérité et de bradage de la souveraineté nationale. Tout au long de ces 10 mois de mobilisation populaire, ponctués par des arrestations arbitraires et des interdictions systématiques de manifestation, aucune initiative n’est venue montrer que ces autorités sont disposées à revenir sur les graves mesures antisociales, largement décriées par les populations, contenues dans la loi de finances 2018.
Aujourd’hui, alors que les populations nigériennes peinent à supporter le lourd fardeau que représentent les mesures fiscales édictées dans le cadre de la loi de finances 2018, le gouvernement de Issoufou Mahamadou vient d’annoncer son intention de poursuivre sa politique d’austérité, à travers des nouvelles mesures fiscales contenues dans le projet de loi de finances 2019. Ces mesures sont relatives d’abord à l’élargissement de l’assiette et à l’augmentation du montant de l’impôt synthétique prévu par l’article 195 du Code général des impôts de la République du Niger.
En effet, à travers son projet de loi de finances 2019, le gouvernement prévoit de prélever, au titre de l’impôt synthétique, 3% du chiffre d’affaires, au lieu de 2% antérieurement, sur toute personne physique ou morale exerçant dans le domaine du négoce (commerce), et 5% du chiffre d’affaires, au lieu de 3% antérieurement sur toute personne exerçant dans le domaine de la prestation de services, à l’exception des transports. Le projet de loi de finances 2019 précise que dans tous les cas, le montant de l’impôt synthétique des petites entreprises, c’est-à-dire celles qui réalisent un chiffre d’affaires annuel inférieur ou égal à 30 millions de francs CFA, ne peut être inférieur à 400 000 francs CFA pour les activités de négoce et 450 000 francs pour les autres activités.
Par ailleurs, il faut noter que le projet de loi de finances 2019 prévoit également le prélèvement d’un impôt synthétique minimum de 30 000 francs CFA pour tous les petits commerçants, y compris les marchands forains, réalisant un chiffre d’affaires compris entre 0 et 1 million de francs CFA, qu’ils fassent ou non des profits. Le projet prévoit aussi une hausse du montant annuel de l’impôt synthétique pour toutes les catégories de véhicules de transport, qu’il s’agisse des véhicules de transport de marchandises ou de taxis.
C’est le lieu de souligner que la hausse envisagée varie entre 10 000 et 140 000 francs CFA selon le type de véhicule de transport. Les restaurants et débits de boissons, qui réalisent un chiffre d’affaires annuel inférieur à 3 millions de francs CFA, paieront quant à eux 150 000 francs CFA au titre de l’impôt synthétique.
Outre la révision des taux et modalités de l’impôt synthétique, qui va avoir des conséquences évidentes pour ceux qui exercent dans les secteurs d’activités concernés, le projet de loi de finances 2019 prévoit d’instituer une nouvelle taxe sur les activités financières (TAFI), qui s’appliquera aux opérations qui se rattachent aux activités bancaires ou financières, et d’une manière générale au commerce des valeurs et de l’argent. L’assiette de cette nouvelle taxe, dont le taux est de 18%, est constituée par le montant brut des intérêts, des agios, des commissions et autres rémunérations.
Comme on peut le constater à travers juste ces quelques nouvelles mesures, la pression fiscale continuera à s’accentuer sur les couches populaires; alors même que le dernier rapport du PNUD sur le développement humain dans le monde vient de montrer que le Niger occupe toujours la dernière place en matière d’indice du développement humain (IDH). C’est le lieu de souligner que ce classement confirme ce que les organisations de la société civile n’ont eu de cesse de dénoncer, à savoir que le faible niveau d’investissement de l’État dans les secteurs sociaux de base : éducation, santé, alimentation, etc. Ce classement montre également que les priorités du gouvernement en matière d’allocation de ressources sont loin d’être celles des populations laborieuses du pays.
Aussi, eu égard à la volonté du gouvernement de continuer à mettre la pression fiscale sur les couches populaires, constatant sa volonté affirmée de continuer à narguer les Nigériens et les Nigériennes, nous, organisations de la société civile, regroupées au sein du Cadre de concertation et d’actions citoyennes, convaincues que seule une mobilisation citoyenne forte peut arrêter la dérive antisociale et antidémocratique du régime en place :
1-Réaffirmons notre ferme détermination à poursuivre les journées d’action citoyenne contre les mesures antisociales contenues dans la loi de finances 2018 et le projet 2019, la dérive autoritaire marquée par des violations répétées de la Constitution et des droits et libertés, la mauvaise gouvernance caractérisée par la corruption et la caporalisation de toutes les institutions indépendantes y compris la justice, et l’aliénation de la souveraineté de notre pays symbolisée par la présence massive des forces militaires extérieures d’occupation et les contrats léonins signés avec les compagnies minières et pétrolières;
2-Invitons l’ensemble de citoyens et citoyennes à prendre part massivement à la journée d’actions citoyennes prévue le 23 septembre 2018 sur l’ensemble du territoire national, pour marquer leur refus de plier face à un gouvernement entêté, clairement à la solde des intérêts étrangers, qui continue à croire que les Nigériens vont se fatiguer de manifester et finir par avaler la couleuvre des lois antisociales comme ils ont avalé bien d’autres forfaitures;
3-Apportons notre indéfectible soutien à tous nos camarades qui continuent de croupir, depuis si longtemps, dans les geôles du régime en place, et les assurons de notre détermination à nous battre pour obtenir non seulement leur libération, mais aussi la fin de la dérive autoritaire en cours dans notre pays.
Fait à Niamey, le 22 septembre 2018
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