Le Niger à la croisée des chemins

Les prochaines élections locales et nationales constituent sans doute un test majeur non seulement pour la solidité du processus démocratique mais aussi pour la cohésion nationale et l’image que les Nigériens se font d’eux-mêmes.
L’émergence d’un candidat que d’aucuns considèrent atypique semble bousculer les schémas et les représentations en vigueur dans le pays depuis sa création.
Les élections prévues fin 2020 et début 2021 au Niger, provoquent comme à l’accoutumée une effervescence qui n’épargne aucun pan de la société. Avec près de 150 partis politiques qui auraient un agrément des autorités compétentes pour compétir et aller à la rencontre du suffrage des électeurs. On pourrait par conséquent parler de multipartisme et d’une pluralité sans précèdent d’acteurs politiques. Est-on pour autant fondé à parler d’une réelle diversité de projets politiques et d’une alternative à ce que nous connaissons depuis le début du processus démocratique dans ce pays ?
Le concassage méthodique dont ont été victimes les principaux partis de l’opposition s’ajoute à une prolifération de petits partis politiques aboutissant à un paysage politique improductif pour assurer une réelle compétition et offrir un choix judicieux aux citoyens.
Le schéma qui se précise dans la perspective, surtout, des prochaines élections présidentielles comporte un certain nombre de risques qu’il convient de prendre au sérieux. Un scrutin mal maîtrisé serait en effet une source de tensions qui pourraient précipiter le pays dans l’inconnu et lui feraient courir des risques élevés de déstabilisation.
Le candidat qui occupe aujourd’hui l’essentiel de l’espace public tient sa force du soutien de l’actuel président de la République et de la bienveillance supposée de…la France.
Au-delà des considérations politiciennes, mises en avant par ses adversaires politiques, il importe plus de s’interroger sur la dynamique politique qu’il serait en mesure d’insuffler au pays. En tant qu’acteur remarqué de la scène politique depuis la Conférence nationale et personnalité de premier plan du régime depuis une dizaine d’années, les Nigériens ont pu se faire une idée sur l’homme et sa façon de faire politique.
Très peu de Nigériens croient à une compétition électorale sincère, car les Pouvoirs ont pris l’habitude d’utiliser l’administration pour obtenir les résultats à leur avantage.
L’absence actuelle de tout débat contradictoire ternirait, si elle devait se poursuivre, la qualité de cette élection. C’est même la santé politique du pays qui pourrait en pâtir en mettant à nu un processus démocratique qui peine à survivre au réflexe autocratique encore largement répandu au sein de la classe dirigeante. Par ailleurs l’opposition prend un risque considérable en tardant à se mettre en ordre de bataille. Son silence pourrait être interprété par ses potentiels soutiens comme un aveu d’impuissance devant une élection qu’elle considérerait « déjà jouée à l’avance ».
Il devient donc urgent de sortir de la situation actuelle qui rappelle l’époque des candidats uniques présentés par des partis-Etat dans une sorte de folklore politique par trop éloigné de la volonté du peuple et de l’esprit démocratique.
Le Niger a besoin d’un accompagnement international veillant à ce que certains agendas locaux ne finissent par créer un désordre politique dommageable à la cohésion et à la stabilité du pays. Les ressorts institutionnels de l’Etat ne semblent pas avoir la capacité d’éviter certaines dérives qui pourraient exacerber les crispations communautaires. La tendance hélas humaine à abuser de son pouvoir dès lors qu’il ne rencontre aucune opposition, ont créé ces dernières années un climat qui a atrophié le débat politique.
Le respect des équilibres fondamentaux qui font la réalité nationale devrait être la ligne rouge que tout candidat se garderait de franchir. Cette considération devrait se situer au-dessus des querelles partisanes souvent entretenues par les partis politiques.
Il revient à présent à l’ensemble de la classe politique de se ressaisir et d’offrir au pays des perspectives autres, à même de le sortir de la léthargie qui le maintient, depuis 10 ans au dernier rang du classement du Programme des nations unies pour le développement (PNUD). Cela ne pourra se faire sans un nouvel élan patriotique animé par des acteurs politiques libérés de tout esprit sectaire et apte à une pratique politique moins clivante.
La configuration politique actuelle au Niger nécessite une très grande vigilance de la communauté internationale. Il est important que les Nigériens dans leur diversité perçoivent la détermination des partenaires internationaux du pays à exiger des élections véritablement libres et transparentes. L’intérêt que la communauté internationale portera aux prochaines élections nationales et locales constituera un indicateur significatif de son implication pour la stabilité et le renforcement de la crédibilité et de l’autorité de l’État.
Une trop grande bienveillance envers le Pouvoir en place risquerait d’être contre-productive, si des limites claires ne sont pas mises aux velléités totalitaires souvent exacerbées dans ce type de circonstances. Cette tendance devrait être découragée et contenue dans des proportions acceptables pour ne pas défigurer le processus électoral et délégitimer les résultats qui en sortiraient.
Le contexte sécuritaire et l’accélération actuelle de l’Histoire, commandent une nouvelle attitude adaptée non seulement aux attentes des populations, mais également aux réalités géopolitiques qui placent le Niger au centre d’enjeux colossaux qui le dépassent. Il semble par conséquent impératif que certaines querelles soient mises en sourdine et que la classe politique sache prioriser les urgences et optimiser le peu de moyens du pays pour lui éviter un naufrage qui n’est pas aussi loin que d’aucuns l’imaginent.
Les suites à donner à l’audit du ministère de la Défense et au dernier rapport de la Cour des comptes seraient des signaux significatifs quant à la volonté des autorités actuelles de crédibiliser l’institution judiciaire et de donner aux Nigériens l’espoir de sortir de cette culture de l’impunité qui gangrène le système politique et bride toute chance d’amorce de développement.

Abdoulahi ATTAYOUB

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