Migration : Alarme Phone Sahara décrie la restriction de la liberté des personnes en mobilité

Du 27 au 28 février 2023, le projet transnational Alarme Phone Sahara (APS) organise à Niamey une conférence sur les entraves à la libre circulation des personnes dans l’espace de la communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Au cœur de ces entraves, la loi 2015-036 adoptée par le Niger le 26 novembre 2015 et mise en application en 2016.

Placée sous le thème « Criminalisation de la migration et les Impacts de la loi 2015-36 sur la libre circulation dans l’espace de la CEDEAO », la conférence qui se déroule en présentiel et en ligne réunie à peu près 200 personnes. L’objectif étant de braquer les projecteurs essentiellement sur les impacts négatifs de cette loi et les différents mécanismes de restriction de mobilité de personnes mis en place par les systèmes africains et européens.

« Des plans de restriction du droit à la libre circulation sont en phase de briser le tissu socioéconomique des communautés à travers une intelligentsia dénommée « Frontex » savamment déployée en Afrique à travers une certaine cellule dite « de gestion de risques liés à la migration irrégulière » et une présence d’officiers de liaison », a déclaré Dr. Chehou Aziz, coordonnateur de Alarme Phone Sahara, à l’ouverture des travaux. « La mission de l’équipe conjointe d’investigation composée des éléments de la police espagnole, française et nigérienne a abouti à plus de 700 arrestations entre 2017 et 2022 », souligne-t-il.

Des libertés durement affectées

Les conséquences négatives de la loi 2015-36, dite loi de « lutte contre le trafic illite des personnes » sont diversement appréciées, note APS. Le réseau relève que plusieurs autres mesures allant dans ce sens, ont négativement impacté les droits humains, les libertés individuelles et collectives de façon générale et celles des personnes en migration en particulier durement affectées. « Les départs vers le nord via le Sahara et par la mer sont une parfaite illustration et les événements du 24 juin 2022 dans les enclaves de Melilla constituent une alerte sans précédent », a déploré le coordonnateur de APS. Il estime que ce « crime honteux et blâmable » aurait dû être condamné en plus de l’identification de ses responsables et leur traduction devant des tribunaux. Mais, souligne Dr. Chehou Aziz, le silence complice de la communauté internationale ne date pas d’aujourd’hui. « Ce que vivent les ressortissants de l’Afrique au sud du Sahara en Libye, en Algérie, au Maroc et les récents propos racistes du président Kaïs Saeed de la Tunisie n’est plus, ni moins qu’une offense sans égal à l’endroit des peuples d’Afrique au sud du Sahara dans leur ensemble », dit-il.

Au Niger, la région d’Agadez est la plus touchée par les effets de loi 2015-36 décriée par Alarme Phone Sahara.

« Au Niger, nous avons constaté que les migrants qui viennent d’autres régions du pays, dès qu’ils franchissent la frontière de la région d’Agadez, tout devient nouveau. C’est en ce moment qu’elles subissent en tout cas toutes les tracasseries », a affirmé le coordonnateur de APS. Selon lui, ces tracasseries sont liées aux rackets de demandes d’argent pour les décourager à aller vers le nord, « comme si tout mouvement vers le nord signifie aller en Europe ».

La CEDEAO et les dirigeants africains interpellés  

Pour sa part, Alassan Docko, membre de APS Mali et chargé du plaidoyer et des relations publiques d’Afrique-Europe-Interact lance un appel à la CEDEAO « afin qu’elle soit vraiment la CEDEAO des peuples, au comptes des populations ». Il interpelle également les dirigeants africains à changer le statut des personnes en mobilité.

« Je pense que, c’est vrai que nous sommes la société civile, nous devons faire le mieux pour éclairer les opinions. Mais, c’est à eux, les responsables étatiques et institutionnels, de changer le statut de personnes en mobilité, surtout dans notre espace CEDEAO », affirme Alassan Dicko. « Mon appel le plus pressant dans cette ligne, ajoute-t-il, c’est de faire attention aux nombreux hotspots, c’est-à-dire les points chauds qui sont en train d’être créés, parce que c’est des milliers et des milliers de jeunes, des centaines de femmes, des dizaines d’enfants qui sont bloqués à Agadez, Assamaka, Arlit, Tamenrasset, Rabat, Casablanca, Tunis etc ».

Pour Alassan Dicko, « il est temps que nos hommes d’Etats, nos hommes politiques, fassent le maximum qu’il faut pour que les populations soient respectées et qu’elles aient la liberté où qu’elles veuillent, parce qu’on a vu que les ressortissants de Etats forts ne sont pas touchés ».

Notons que le projet transnational Alarme Phone Sahara (APS) émane d’une initiative d’acteurs/actrices situé(e)s en Afrique et en Europe avec comme ambition d’interagir ensemble en faveur des communautés vulnérables victimes de la mauvaise gouvernance, des aléas climatiques, du déséquilibre entre milieux rural et urbain, d’une inadéquation entre l’offre et la demande de services sociaux de base, etc. Le réseau se particularise dans l’assistance aux personnes en mobilité en mettant à leur disposition des informations de nature à réduire conséquemment des risques liés à la traversée du Sahara tout en leur assurant de prendre en toute responsabilité leur destin.

Ahmadou Atafa

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Journaliste Fact-checker - Blogueur - Communicateur basé au Niger.

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