À Agadez, carrefour de transit migratoire par excellence, l’abrogation de la loi antimigratoire soulage les populations. Depuis l’annonce de la mesure, les jeunes s’en félicitent et se disent prêts à renouer avec les activités qu’ils ont été contraints d’abandonner il y a 8 ans.
La décision de l’abrogation de la loi 2015-036 prise le 25 novembre par le général Abdourahamane TIANI est plutôt bien accueillie à Agadez.
« N’eût été la fermeture des frontières [par la CEDEAO – ndlr], les gens se seraient déjà lancés dans les activités de transport des migrants », a indiqué à Aïr Info Sidi Mamadou, un ancien prestataire de la migration et acteur de la société civile à Agadez. Toutefois, il promet que « on va se remettre au travail. Ça, c’est sûr ! ».
Pour Amadou Oumarou ex-prestataire aussi qui encadrait le transport des migrants, l’abrogation de la loi 2015-036 « est une décision à saluer », car selon lui « aujourd’hui, Agadez peut se retrouver à travers la reprise des activités liées à la migration ».
Amadou Oumarou, aguerri dans le domaine, appelle, par ailleurs, les prestataires au respect des normes qui régissent le transport.
« Il faut respecter les procédures de l’État pour que cela se passe au niveau de l’autogare et dans les conditions réglementaires. Il ne faut pas que cela soit une débandade et un désordre où les départs se feront dans des lieux privés ou en clandestinité. Il faut qu’on sache qui est rentré et qui est sorti », prône-il.
Les passeurs clandestins entre préoccupations et joie
Par ailleurs, certains passeurs qui n’ont pas cessé le trafic des migrants malgré la loi qui vient d’être annulée, restent pour l’instant réticents à l’idée de reprendre les voies officielles de transport. C’est le cas de Aghali (nom d’emprunt) – transporteur – qui affirme que « on ne va pas tout de suite se hasarder à passer au niveau des postes de contrôle. Parce qu’on ne sait pas ce que cela va donner ».
Depuis que la loi 2015-036 était en vigueur, Aghali et son « réseau » n’ont cessé de transporter les migrants vers la Libye. Face aux dispostifs renforcés de contrôle de routes, ils ont dû explorer d’autres pistes clandestines et surtout périlleuses. À plusieurs reprises, le transporteur a failli se faire prendre par les autorités dans le trafic des migrants nous révèle-t-il. Quand ses camarades avaient été arrêtés alors qu’il était avec eux, Aghali a échappé in-extremis grâce à son véhicule, raconte-il tout de go.
Selon lui, la loi 2015-36 avait gonflé les revenus des passeurs qui transportaient clandestinement les migrants du fait des risques que cela comportait. Avant l’adoption de la loi, se souvient Aghali, le prix de transport s’élevait à 150.000 F.CFA par personne. Puis avec son application, le prix s’est élevé à 200.000 F.CFA avant d’atteindre 300.000 F.CFA. Maintenant que la loi a été révoquée, Aghali présage une chute de prix de transport, mais se félicite quand même de cette annulation puisqu’ils vont pouvoir passer par les voies officielles avec peut-être même une escorte militaire. Ce qui, selon lui, réduirait les risques dans cette activité de transport des migrants.
D’éventuelles conséquences négligées
À noter que la joie qui anime les populations civiles sur la question est aussi partagée par les autorités régionales. En effet, aussitôt l’abrogation de la loi annoncée, le conseil régional d’Agadez a salué une « initiative très bénéfique pour [la] région ».
Dans un communiqué, le mouvement de la société civile dénommé union des Nigériens pour la vigilance et le patriotisme (UNVP) s’est dit satisfait « de la décision historique et patriotique » de l’abrogation de cette loi « injuste et illégale ».
Dans cette région du Nord dont l’économie était fortement liée aux activités migratoires après l’arrêt du tourisme, personne ne semble – pour l’instant – se préoccuper d’éventuelles conséquences que pourrait engendrer la reprise des activités liées à la migration. Contrairement à la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, qui s’est dite mardi « très préoccupée » par l’annulation de la loi 2015-036. Elle a souligné que « il y a un gros risque que cela cause des décès dans le désert ». En tout cas, « c’est le point le plus préoccupant », pour la commissaire de Européenne qui craint, par ailleurs, une éventuelle augmentation des flux migratoires vers l’Union Européenne via la Libye et la Méditerranée. Ce qui ne semble pas être un souci pour les jeunes d’Agadez qui, pris de joie, ne souhaitent que relancer les activités qui leur permettaient de gagner leur vie.
Mais, en attendant, il faut d’abord que soient ouvertes les frontières avec certains pays de la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) par où entrent les candidats à la migration. Des frontières qui ont été fermées, rappelons-le, suite au coup d’État du 26 juillet 2023.
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