« Le tourisme au nord du Niger a toujours été un facteur important pour la stabilité de la région et a apporté des investissements énormes à l’économie locale », explique Désirée TROTHA

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je suis Allemande, née en 1961. J’ai étudié la photographie et le design graphique à Munich et après la cinématographie à HFF Munich et au Royal College of Art de Londres. Depuis 1991, je passe environ six mois par an dans les zones nomades du Sahara, y compris l’Algérie, le Niger, le Tchad, le Mali et la Mauritanie. A part mon livre documentaire « Le petit-fils du Lézard » et les reportages de mes rencontres avec les habitants du Sahara, les albums de photographies « Soleil chaud, Lune froide », « Où le Ciel et la Terre se rencontrent » et en Novembre 2015 « Dans l‘Œil du Temps – des photos et des notes sur le Sahara » ont été publiés en Allemagne. Avec le documentaire « Woodstock à Tombouctou – l’art de la résistance » en 2011, j’ai tourné au nord du Mali la première partie de ma trilogie saharienne prévue. Le film a reçu plusieurs prix et a été montré dans les cinémas, ainsi que dans de nombreux festivals internationaux. Depuis 2015, je travaille en collaboration avec la galerie de l’art NEUE GALERIE BERLIN et j’ai  eu à faire des expositions individuelles en Europe et en Afrique.

Madame, vous venez de réaliser deux expositions-photos au Niger, parlez-nous en ? 

Comme photographe, j’ai eu l’occasion de visiter le camp des réfugiés d’Intikane et la population locale dans la région de Tilia en Janvier 2017 dans le cadre d’une mission de l’ONG Allemande ASB-Niger. J’ai vécu des rencontres très touchantes avec les gens qui m’ont donné une immense confiance en prenant leurs photos. De retour en Allemagne j’ai réaisé un album photographique intime de ces rencontres avec le titre « C’EST LE MOMENT DE L’EXIL » et je l’avais envoyé au chef de mission d’ASB-Niger, qui est une amie de longue date. Elle a vu et décidé qu’on va faire une exposition à Intikane pour la journée des réfugiés 2017 et après à Niamey. Ce qui fut fait ! C’était une grande joie de retourner au point de départ et présenter les résultats aux réfugiés et aux locaux qui les ont bien appréciés. L’homme ne vit pas que de son ventre, il faut aussi bien nourrir la tête et le cœur ! Et mon approche par le biais de la culture m’a toujours ouvert les yeux. Et mon opinion est que la culture n’a pas de jambes. C’est l’homme qui doit la porter.

Vous êtes connue au Niger pour vos livres et photos, parlez-nous de ce grand intérêt pour le Niger !

Le Niger est un très beau pays avec une population énormément accueillante, et ce partout dans le pays et quelle que soit l’ethnie. Autant que j’aime bien ma patrie l’Allemagne et ma langue d’enfance, je me sens à la maison au Niger. C’est ma deuxième patrie. Je suis très reconnaissante à Agadez ! Sa culture m’a donné la main, je l’ai prise et depuis tout ce temps, on se tient dans l’harmonie.

La culture nomade est au cœur de vos recherches, pourquoi cela ?

Depuis fort longtemps, je me sentais attiré par le concept philosophique des nomades, parce qu’il y fait bon vivre dans la liberté physique et spirituelle. En regardant la balance entre liberté et sécurité que chaque individu et Etat doit équilibrer d’après ses besoins, j’ai toujours eu un penchant pour la liberté. Et cette liberté, je la retrouve chez mes amis nomades !

Selon vous quel est l’avenir de cette culture quand on sait que le Sahel est confronté ces dernières années à des grands bouleversements ?

« L’Espoir se cache dans le désespoir », me disait un ami au Sahara. J’ai confiance à la force des peuples nomades qui ont pu survivre pendant des siècles dans un environnement extrêmement difficile et dur. J’ai confiance que ces peuples vont finalement trouver une unité nécessaire pour lutter ensemble et que ce vaste espace saharien-sahélien respira à nouveau le calme et la paix. J’ai la ferme conviction que ce bel ensemble résistera aux démons de la division tant qu’à l’externe qu’à l’interne. Cela n’est probablement pas pour demain que la paix reviendra, mais à la fin le désert gagnera. Oui, je le souhaite de tout cœur, les hommes et femmes qui connaissent les secrets de la survie dans cette immense étendue se retrouveront un jour main dans la main.

Le tourisme se meurt au nord Niger, comment pensez-vous pouvoir le relancer ?

En Allemagne, il y en a pas mal des passionnés qui espèrent un jour revenir en voyage dans l’Aïr où ils ont vécu cette hospitalité des nomades. Il s’agit des Allemands, qui souhaitent revenir pour recharger er leurs souvenirs si chers : la vie nomade, les paysages magnifiques, les musées d’art rupestre extraordinaires … Je suis convaincu qu’un tourisme équitable en petite échelle est encore possible dans la grande partie sud de l’Aïr. Mais pour y arriver, il faut enlever cette coloration de zone rouge qui porte un rude coup à la région d’Agadez. Au moins dans certains zones, on peut se le permettre. Aujourd’hui, en regardant les horribles attentats qui se passent un peu partout dans le monde – en France, Angleterre, Allemagne, Egypte, Tunisie, etc… Il est quand même permis de se poser la question pourquoi tout l’Aïr est en zone rouge et pas Paris ou ailleurs en Europe ?  L’Aïr est sécurisé et pour que cette belle zone de tourisme le soit davantage, on pourrait aussi s’imaginer une espèce de police touristique composée des locaux. Le tourisme au nord du Niger a toujours été un facteur important pour la stabilité de la région et a apporté des investissements énormes à l’économie locale.

Quel est votre dernier mot ?

Mon dernier mot est un proverbe des nomades : « Éloignez vos tentes et rapprochez vos cœurs ! »

 

Interview réalisée par DIM

 

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