L’étau se resserre entre le Niger et le Bénin après l’arrestation de cinq Nigériens en territoire béninois 

Cinq ressortissants nigériens, dont la directrice adjointe de WAPCO Niger, ont été arrêtés à Sèmè-Podji, au Bénin. Ils sont accusés de s’être introduits « frauduleusement » sur le site de la station terminale de la société West African Oil Pipeline Company S.A. (WAPCO), qui exporte le pétrole nigérien via le pipeline Bénin-Niger. Ces arrestations ont déclenché une vive réaction de la part des autorités nigériennes qui menacent de prendre des mesures sévères si la situation n’est pas résolue rapidement. 

Dans un point de presse, le Procureur Spécial de la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET) du Bénin, Mario Metonou, a affirmé jeudi 6 juin que les personnes appréhendées ont accédé au site « sans décliner leur identité » et ont utilisé « une entrée dérobée » plutôt que l’entrée principale. Il a précisé que les mis en cause « ont bénéficié de la complicité de l’Administrateur Général de WAPCO Bénin, qui avait pourtant reçu deux jours plus tôt une lettre du Ministre de l’Énergie, de l’Eau et des Mines à travers laquelle l’État béninois a exprimé des vives préoccupations sécuritaires ».

Selon Mario Metonou, les cinq personnes prétendaient être des employés de WAPCO Niger et portaient des badges censés attester de leur affiliation. Cependant, l’enquête a révélé qu’au moins deux d’entre eux « sont des agents nigériens au service du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) », munis de « faux badges d’employés de WAPCO Niger », a déclaré le Procureur Spécial de la CRIET.

Le Niger menace…

De leur côté, les autorités nigériennes affirment que ces personnes sont des inspecteurs envoyés par l’État nigérien « pour contrôler les opérations de chargement du Melec dans le bateau et [en] vérifier la régularité ».

« Ces équipes étaient arrivées au Bénin régulièrement dans le cadre de leur mission. La société WAPCO avait été informée et elle en avait informé les autorités béninoises », a déclaré jeudi le ministre nigérien du Pétrole, Mahaman Barké qui dénonce une « violation des accords qui nous lient avec le Bénin dans le cadre de cette exportation [du pétrole] ».

Face à cette situation, le ministre a déclaré que le Niger refuserait de permettre le chargement de brut. Selon lui, malgré les démarches entreprises par la CNPC et WAPCO pour permettre le chargement par des agents chinois, le Niger a initialement refusé cette demande. Cependant, en raison des pertes économiques potentielles pour WAPCO et les expéditeurs, le Niger a accepté que l’opération soit menée conjointement par WAPCO Niger et Bénin. Comme WAPCO Bénin manquait de personnel qualifié, « nous leur avions dit que nous allons temporairement mettre à leur disposition deux inspecteurs de chez nous, comme cela se fait », a expliqué Mahaman Moustapha Barké. « Ils sont arrivés pour commencer les opérations de mesurage et de contrôle d’échantillon », mais ont été arrêtés par l’armée béninoise, empêchant leur travail.

Mahaman Barké a rapporté que face à cette situation, le chef de l’État du Niger a ordonné des mesures strictes : « si jusqu’à 17 h aujourd’hui, (jeudi 6 juin – ndlr) nos équipes ne sont pas libres de leur mouvement et ne sont pas remis dans leur fonction d’inspecteurs de cette cargaison, nous allons arrêter la station initiale de Koulélé ». Le ministre du pétrole de préciser : « des dispositions sont prises pour que cela soit effectif. Non seulement le bateau ne pourra plus charger, mais nous n’allons plus envoyer notre pétrole dans le pipeline jusqu’à ce que les Béninois décident de respecter leur engagement et jusqu’à ce que le partenaire chinois les amène à respecter leur engagement. Parce que apparemment, c’est la seule partie qu’ils écoutent ».

Évoquant la violation de l’accord bilatéral entre le Niger et le Bénin, le ministre nigérien de la Justice, Alio DAOUDA, a, pour sa part, qualifié l’arrestation des Nigériens d’illégale et a estimé que le Bénin avait enfreint les termes de l’accord. En conséquence, précise-t-il, le Niger se réserve le droit de saisir les juridictions compétentes si aucune solution n’est trouvée à cette situation.

Des tensions persistantes…

L’État du Bénin et la société chinoise WAPCO ont signé le 5 août 2019 un accord visant à faciliter le transport des hydrocarbures, notamment le pétrole nigérien, par pipeline jusqu’aux côtes béninoises. L’article 29.6 de cet accord autorise les autorités nigériennes à accéder au compteur du terminal de WAPCO au Bénin. Toutefois, des mesures strictes de vérification d’identité sont en place pour des raisons de sécurité, a indiqué le Procureur Spécial qui a souligné que « les investigations se poursuivent pour déterminer les motivations réelles des mis en cause dans un contexte où des informations récurrentes font état de la planification d’actes d’atteinte à la sûreté de l’État du Bénin ».

Cette affaire intervient dans un contexte de tensions persistantes entre le Bénin et le Niger, marquées notamment par des différends frontaliers. Début mai, ces tensions ont conduit le Bénin à bloquer le pétrole nigérien à la station terminale de Sèmè-Podji. Cependant, une entente a été trouvée à la suite d’une réunion inter-État, initiée par la société WAPCO, entre les autorités béninoises et nigériennes. Quelques jours après cette réunion, le Bénin a définitivement levé le blocus sur l’exportation du brut nigérien, après que la douane nigérienne a officiellement communiqué avec la douane béninoise, selon le Ministre béninois de l’Énergie, de l’Eau et des Mines, cité par le média local Banouto.

A propos de Ahmadou Atafa 540 Articles
Journaliste Fact-checker - Blogueur - Communicateur basé au Niger.

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