Ce samedi 16 mars, le gouvernement du Niger a dénoncé, « avec effet immédiat », l’accord de coopération militaire avec les États-Unis. Cette décision survient après une visite de haut niveau de la délégation américaine, dont les échanges avec les autorités nigériennes ont révélé une atmosphère tendue, avec des accusations de comportement condescendant et de menace de représailles.
« Le gouvernement du Niger, prenant en compte les aspirations et les intérêts de son peuple, décide en toute responsabilité de dénoncer avec effet immédiat l’accord relatif au statut du personnel militaire des États-Unis et des employés civils du département américain de la Défense sur le territoire du Niger », a indiqué Amadou Abdramane, le porte-parole du gouvernement nigérien, dans un communiqué lu à la télévision nationale.
Cette décision intervient au lendemain de la visite d’une délégation américaine de haut niveau dans le pays, conduite par la sous-secrétaire d’État aux affaires africaines, Molly Phee. La délégation, après avoir été reçue à deux reprises par le ministre Ali Mahamane Lamine Zeine en présence des membres du conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), avait même prolongé son séjour espérant en vain rencontrer le président du CNSP, le général Tiani.
Reçue « par courtoisie »
« Sous la forme, l’arrivée de la délégation américaine n’a pas respecté les usages diplomatiques », a souligné le gouvernement nigérien, précisant l’avoir reçue « par courtoisie et suivant nos traditions millénaires d’accueil et d’hospitalité ». « En effet, déplore le CNSP, c’est de façon unilatérale, par note verbale, que le gouvernement américain a informé le gouvernement nigérien de la date d’arrivée et de la composition de sa délégation, ainsi que les autorités nigériennes à rencontrer sans précision aucune quant à l’objet de sa visite ».
Une « attitude condescendante assortie de menace de représailles »
Selon le communiqué, les échanges entre les deux parties ont principalement couvert la transition au Niger, la coopération militaire, la lutte contre le terrorisme, ainsi que les orientations politiques du Niger en termes de choix de partenaires diplomatiques, militaires et stratégiques, soulignant l’interconnexion de ces aspects selon l’approche américaine. Le gouvernement nigérien a ainsi déploré « la volonté de la délégation américaine de nier au peuple nigérien souverain le droit de choisir ses partenaires », qualifiant cette attitude de « condescendante ». Le CNSP souligne, en outre, que cette attitude est « assortie de la menace de représailles de la part de la cheffe de la délégation américaine vis-à-vis du gouvernement et du peuple nigérien ».
Pour les autorités nigériennes, « cette attitude est de nature à saper la qualité de nos relations séculaires et miner la confiance entre nos deux gouvernements déjà entamées par les événements du 19 octobre 2023 ».
Un accord « injuste » et « unilatéralement imposé au Niger »
Le CNSP a souligné l’importance de la coopération militaire dans la lutte contre le terrorisme. Cependant, il a dénoncé fermement la « présence illégale » des forces américaines sur le territoire nigérien, soulignant que celle-ci viole les principes démocratiques et constitutionnels du pays.
« C’est par simple note verbale N⁰174 du 6 juillet 2012 que la partie américaine a unilatéralement imposé au Niger un accord relatif au statut du personnel militaire des États-Unis et des employés civils du département américain de la défense sur le territoire de la République du Niger. Cet accord est non seulement profondément injuste dans son fond, mais également ne répond pas aux aspirations et aux intérêts du peuple nigérien », argue le CNSP.
En outre, le gouvernement a indiqué que l’accord incriminé « contraint le Niger à payer des factures liées aux taxes des avions militaires américains », tout en soulignant le manque de transparence sur les activités militaires américaines sur le sol nigérien, ainsi qu’une absence d’engagement de soutien contre les groupes terroristes.
Il a aussi été reproché au gouvernement américain d’avoir « décidé unilatéralement et brusquement de suspendre sa coopération militaire en violation de l’accord imposé au peuple nigérien ».
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Par ailleurs, le gouvernement nigérien dit avoir constaté, depuis quelques semaines, « des activités illégales de survol de son territoire par des Aéronefs américains ». Ce qui, pour le CNSP, est « de nature à s’interroger sur la sincérité de leur partenariat et la pertinence du maintien de l’accord de coopération militaire imposé par note verbale ».
Cette rupture soulève des questions sur l’avenir des relations entre les deux pays. Elle s’inscrit dans un contexte où le gouvernement nigérien cherche à réaffirmer sa souveraineté et son indépendance vis-à-vis des puissances étrangères. Après avoir dénoncé l’accord militaire avec le Bénin, puis celui d’avec la France en demandant et obtenant le départ des troupes françaises, cette rupture avec les États-Unis souligne l’engagement du Niger à revoir ses alliances militaires. Avec plus de 1000 soldats, les États-Unis maintiennent jusqu’ici trois bases militaires au Niger dont la principale est à Agadez, dans le Nord du pays. Il s’agit d’une base de drones qui permettraient aux américains de surveiller une bonne partie de l’Afrique, notamment l’Afrique du Nord.
Rapellons qu’en décembre 2023, les autorités nigériennes avaient déjà annoncé la révision des accords de coopération militaire avec tous les pays partenaires disposant des troupes stationnées dans le pays.
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