La France au Sahel : Une présence militaire en déclin, une confiance à réinventer

La dynamique géopolitique au Sahel a connu un basculement majeur au cours des dernières années, marqué par le rejet des accords militaires avec la France par le Niger, le Mali et le Burkina Faso, dirigés par des régimes militaires issus de coups d’État. Dernier bastion de la présence française dans cette région stratégique, le Tchad vient d’annoncer, ce 28 novembre, la fin de sa coopération en matière de défense avec Paris. Cette décision, qui survient après une visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, illustre l’ampleur des défis auxquels fait face la politique africaine de la France.

Une rupture systématique au Sahel

Depuis 2021, les forces françaises ont été contraintes de quitter successivement le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Ces retraits résultent en grande partie de la posture de Paris vis-à-vis des juntes militaires. Ils ont été précipités par l’hostilité croissante des populations locales et des nouvelles autorités militaires, qui reprochent à la France son ingérence dans leurs affaires souveraines et son échec à endiguer le terrorisme dans la région.

Le Tchad, jusqu’alors un pilier central de l’architecture militaire française au Sahel, vient à son tour de mettre fin à ses accords de défense. Cette décision représente un coup dur pour Paris, qui comptait sur N’Djamena pour maintenir une présence régionale après la fermeture de ses bases au Sahel.

Une redéfinition de la stratégie française

Face à ce désengagement forcé, la France cherche à réorienter son influence en Afrique. Le Nigeria, principal moteur économique d’Afrique de l’Ouest et pays anglophone, joue un rôle pivot dans cette stratégie. À l’occasion de la visite d’État du président Bola Tinubu à Paris les 28 et 29 novembre, Emmanuel Macron espère renforcer les liens économiques et diplomatiques avec Abuja.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, Macron prône une rupture avec les relations historiques entre Paris et ses anciennes colonies, en promouvant des partenariats économiques et culturels plus équilibrés. Pourtant, les résultats restent modestes : la part de marché française en Afrique est passée de 5,5 % en 2017 à 3,2 % en 2023, selon la Direction Dénérale du Trésor français et la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface). Cette baisse reflète une concurrence accrue de puissances comme la Chine, la Russie et la Turquie, qui augmentent leurs investissements dans la région.

Alors que le Nigeria incarne les nouvelles priorités de Paris, la France peine à maintenir son influence dans l’Afrique francophone, particulièrement au Sahel. La montée des discours anti-français, alimentés par des acteurs locaux et des campagnes de désinformation étrangères, complique davantage la tâche. Les régimes militaires sahéliens, désormais tournés vers Moscou, consolident leur coopération avec des acteurs non-occidentaux, au détriment des partenariats historiques avec l’Occident.

Cette tendance de révision des relations franco-africaines ne se limite pas au Sahel mais gagne également d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest. En effet, le Sénégal semble s’inscrire dans cette dynamique. Selon des entretiens rapportés par l’AFP et France 2, le président Bassirou Diomaye Faye aurait déclaré le 28 novembre 2024 que les bases militaires françaises devraient être fermées. Il aurait souligné que leur présence serait incompatible avec la souveraineté nationale, tout en défendant l’idée d’un « partenariat rénové » entre les deux pays.

Quels horizons pour la France ?

L’érosion de la présence militaire française au Sahel symbolise une perte d’influence et de confiance qui va au-delà du domaine sécuritaire. Elle souligne la nécessité pour Paris de redéfinir sa politique africaine dans un contexte où l’héritage colonial reste un point de friction majeur.

Au-delà du volet militaire, plusieurs éléments ont nourri la défiance envers la France ces dernières années. Le franc CFA, perçu comme un symbole de dépendance monétaire, est critiqué pour son rôle dans le maintien d’une influence disproportionnée de Paris. Par ailleurs, l’ingérence politique, souvent associée au soutien de régimes autoritaires, ainsi que certaines postures diplomatiques, sont fréquemment perçues comme des formes de néocolonialisme. Ces facteurs économiques, politiques et diplomatiques ont contribué à exacerber les tensions, compliquant ainsi les relations franco-africaines.

Pour essayer de reconquérir sa place, la France devra s’adapter aux aspirations des nouvelles générations africaines et proposer des partenariats fondés sur le respect mutuel et des intérêts partagés, loin des anciennes pratiques perçues comme intrusives, néocolonialistes ou paternalistes. Toutefous, le chemin vers une nouvelle ère des relations franco-africaines reste semé d’embûches.

A propos de Ahmadou Atafa 600 Articles
Journaliste Fact-checker - Blogueur - Communicateur basé au Niger.

1 Comment

  1. In nutshell if NATO France had been partner it should have been which is win win partner it would have had limited presence in Niger plus all AES nations. Thereof producing blueprint on how African nations should deal with military partners. Unfortunately NATO France is in Africa to plunder so that it is able to pay for expensive form of governing which is NATO democracy.
    People of Books.
    Henry Author Price Jr aka Kankan

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